Sauvez le pacte vert européen !

Le devoir de vigilance en Europe est une obligation légale imposée aux grandes entreprises pour qu’elles prévoient, préviennent et atténuent les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains, l’environnement et la bonne gouvernance, tout au long de leur chaîne de valeur (y compris les filiales, sous-traitants et fournisseurs). Ce principe a été adopté pour la première fois dans le monde en France, dans la loi du 27 mars 2017. En avril 2024, l’Union européenne a adopté à son tour une Directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Celle-ci oblige les entreprises à établir des plans d’actions et permet aux victimes de multinationales, partout dans le monde, d’engager leur responsabilité devant les tribunaux. Une amende peut également leur être infligée en cas de violation de leurs obligations. Cette législation ambitieuse vise trois objectifs :
– Promouvoir une économie durable et responsable.
– Lutter contre le travail forcé, le travail des enfants, la déforestation, la pollution.
– Aligner les entreprises européennes sur les objectifs de développement durable (ODD) et les accords de Paris sur le climat.

Le projet de directive présenté par la Commission européenne et amendé par le Conseil de l’Union prévoit de diminuer drastiquement le nombre d’entreprises concernées par le devoir de vigilance : -80 % ! Seules les entreprises de plus de 5000 salariés et 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires seraient concernées, contre 1000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui

En outre, si le texte est adopté, les entreprises n’auront plus l’obligation de mettre en œuvre un plan de transition climatique compatible avec l’Accord de Paris et la neutralité climatique en 2050.

Plus grave encore, la responsabilité des entreprises ne pourra plus être engagée si les violations des droits humains ou les dégâts environnementaux sont causés dans leur chaîne de valeur en dehors de l’Union européenne.

Aujourd’hui effectif et ambitieux, le devoir de vigilance risque de se transformer en paperasse peu contraignante…

De nombreuses multinationales n’ont pas accepté cette législation ambitieuse. Les entreprises pétrolières, comme TotalEnergies, continuent de développer des nouveaux projets d’extraction des énergies fossiles, incompatibles avec les accords de Paris. Dans d’autres secteurs d’activité, la responsabilité engagée en cas de violation des droits humains oblige à modifier des chaînes de production. Pour toutes ces entreprises, la logique d’efficacité économique prime sur toute autre valeur, ce que nous dénonçons. Elles ont ainsi mené un intense lobbying pour faire évoluer le texte.

Le contexte international a également changé, notamment depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump. Lors des négociations avec la Commission européenne sur les droits de douane, il a exigé d’Ursula von der Leyen que les entreprises américaines soient exonérées du devoir de vigilance. Il paraît avoir été entendu au-delà de ses exigences.

Enfin, la donne politique a changé au Parlement européen. La progression de la droite (Parti populaire européen) et de l’extrême droite aux dernières élections européennes leur donne du poids pour revenir sur le Green deal, qu’ils n’ont pas accepté. Ils sont soutenus sur plusieurs points par des députés centristes, de Renew (groupe des eurodéputés macronistes au Parlement européen), qui avaient pourtant voté en faveur de l’adoption du texte.

La directive ayant mis en œuvre le devoir de vigilance fait partie du Pacte vert. Or, le projet de directive qui menace de vider de sa substance le devoir de vigilance, dit Omnibus 1, fait partie d’une série de projets législatifs (Omnibus) qui visent à favoriser la compétitivité… en attaquant de nombreuses avancées du Pacte vert européen (Green Deal). Si cette première directive Omnibus est adoptée, cela risque d’être la porte ouverte à de nombreux autres reculs par la suite.

En tant que chrétiens, nous croyons que la sauvegarde de la vie, sous toutes ses formes, et la dignité de la personne humaine sont fondamentales. Nous croyons que Dieu est la Vie et que la primauté donnée à l’argent est une idole, qui nous détourne de Dieu : « Nul ne peut servir deux maîtres » (Mt 6, 24)

Le Pape Léon, dans sa première exhortation apostolique, dénonce notre système économique qui « demande des sacrifices au peuple pour atteindre certains objectifs qui concernent les puissants », ne laissant que des « miettes » aux pauvres (Dilexite nos, §93). Il encourage « tous les membres du peuple de Dieu [à] se faire entendre, même de différentes manières, une voix qui réveille, qui dénonce, qui s’expose même au risque de passer pour des « idiots » ». (Dilexite nos, §97).

Le devoir de vigilance, et toutes ses implications en termes de prévention des dommages et d’engagement de responsabilité en cas d’atteintes graves à l’environnement ou aux droits humains, contribue à remettre la dignité humaine et la préservation de l’environnement à une place plus juste, face au règne de l’argent.

Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux évêques, le Pape François, des personnalités et organisations chrétiennes soutiennent une telle réglementation et se mobilisent sur ce sujet depuis des années !

Nous invitons tous les citoyens à prendre contact avec les eurodéputés pour leur faire connaître notre message et les inviter à voter en responsabilité pour préserver le devoir de vigilance. Le collectif Lutte & Contemplation portera ce message.

Nous sommes aussi en lien avec des organisations chrétiennes allemandes et italiennes pour qu’elles relaient cette parole auprès des Eurodéputés de leurs pays.

Malgré des pronostics de vote défavorables, nous pensons que chaque voix compte et que ces mobilisations porteront du fruit, à court ou moyen terme.

Appel des évêques du monde signataires d’un appel pour le devoir de vigilance

Plaidoyer du CCFD Terres Solidaires

Tribune dans le Monde sur le devoir de vigilance