Intuitions
Chrétiennes et chrétiens, nous voyons l’ampleur de la crise écologique et sociale et nous choisissons de nous engager
Alors que les conséquences du changement climatique nous touchent chaque jour davantage, que le vivant s’effondre à un rythme record, que les limites planétaires sont dépassées ou en passe de l’être, ou encore que l’individualisme et le consumérisme nous enferment dans une vision étriquée du bonheur, nous désirons, en tant que chrétiens et chrétiennes, mener une action résolue en faveur d’une société plus juste et sobre. Les rapports scientifiques sont sans équivoque : il est nécessaire d’opérer une transformation en profondeur de nos sociétés afin d’éviter que les conditions de vie sur notre planète ne continuent de se dégrader dramatiquement, en particulier pour les plus pauvres. En réalité, le même esprit de domination est à la racine des crises écologiques et sociales, nous devons donc les traiter avec la même résolution.
Nous croyons que la tradition spirituelle chrétienne et les pensées sociales de nos Églises sont des boussoles pour éclairer les débats politiques et sociaux de notre époque. Nous croyons que nos Églises ne peuvent pas annoncer la Bonne Nouvelle sans prendre en compte que, plus que jamais, c’est toute la Création qui a besoin d’être sauvée. Nous croyons qu’il s’agit d’un “signe des temps”1, c’est-à-dire une manière privilégiée de vivre l’Évangile aujourd’hui.
Face aux crises écologiques et sociales, nous choisissons de lutter et contempler
Nous croyons que les crises sociales et écologiques ont des racines à la fois systémiques et personnelles. Nous pensons devoir articuler un engagement politique et militant d’une part, et spirituel et communautaire d’autre part. Autrement dit, nous souhaitons vivre à la fois la lutte et la contemplation.
En suivant l’intuition de frère Roger de Taizé, dont nous nous inspirons pour le nom de notre collectif, nous croyons que la contemplation et la lutte se nourrissent réciproquement.
« Aujourd’hui, le chrétien ne peut pas rester dans les arrière-gardes de l’humanité et leurs vains combats. Il ne va pas s’y laisser enlisé.
Dans la lutte pour que se fasse entendre la voix des clandestins, la voix des hommes sans voix, dans la lutte pour la libération de tout être humain, sa place est aux premières lignes.
Tout en même temps, le chrétien, même environné des silences de Dieu, pressent cette réalité essentielle : la lutte pour et avec l’homme trouve sa source dans une autre lutte, toujours plus inscrite au creux de lui-même, en ce lieu où personne ne ressemble à personne. Là, il touche aux portes de la contemplation. Lutte et contemplation : serions-nous conduits à situer notre existence entière entre ces deux pôles ? »
Frère Roger de Taizé, Lutte et Contemplation, Les presses de Taizé, 2015, page 7
« Laisser les autres pour le Christ, se laver les mains de ce qui concerne les hommes d’aujourd’hui ; ou bien laisser le Christ pour les autres en vue d’un engagement pour la justice : cette alternative tiraille et disloque. Jamais les hommes sans le Christ ! Jamais le Christ sans les hommes ! »
Frère Roger de Taizé, Lutte et Contemplation, Les Presses de Taizé, 2015, page 189)
Nous croyons que les chrétiennes et chrétiens doivent lutter contre les racines structurelles des enjeux écologiques et sociaux
Nous croyons que les crises écologiques et sociales ont une dimension structurelle, par exemple la concentration du pouvoir et des richesses, la recherche permanente de profits et de productivité, ou encore l’extension du marché à toutes les sphères de la vie. Nous partageons la conviction qu’il n’y aura pas de réelle solution à ces crises sans une transformation profonde de ces systèmes. Nous pensons que les institutions ecclésiales, dans leurs dimensions humaines, sont également des structures qui sont interrogées par les crises écologiques et sociales.
Répondre à ces défis structurels ne passe pas seulement par des choix éthiques ou moraux individuels, mais exige des choix politiques qui peuvent être sources de désaccords et s’inscrire dans des rapports de force. Comme l’écrit le Pape François, lorsque Jésus affirme “N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.”2, nous reconnaissons qu’il “n’invite pas à rechercher les conflits, mais simplement à supporter le conflit inéluctable, pour que le respect humain ne conduise pas à s’écarter de la fidélité en vue d’une supposée paix familiale ou sociale.”3 Nous croyons que les chrétiennes et chrétiens sont appelés à traverser ces conflits aux côtés des plus pauvres et des opprimés. En particulier, les responsables ecclésiaux doivent se prononcer précisément sur les options matérielles et politiques qui engagent la société toute entière. Nous affirmons que l’expérience militante peut être joyeuse, émancipatrice et profondément spirituelle. Comme l’écrit le pape François, “Marchons en chantant ! Que nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l’espérance.”4 Nous reconnaissons que nous avons à apprendre humblement des personnes et organisations qui nous précèdent dans ces luttes. Nous souhaitons enrichir le débat public à partir de nos traditions chrétiennes et de notre foi, et nous pensons que chaque tradition de pensée et chaque religion peut y contribuer à sa manière. De confession chrétienne, nous respectons la laïcité et nous sommes attachés à la République.
Nous croyons que le Royaume annoncé par le Christ, c’est-à-dire cet ordre nouveau de paix et d’amour qui sera pleinement réalisé à la fin des temps, est déjà en germes aujourd’hui. Nous croyons qu’une pleine réception de la vie du Christ exige de participer à l’éclosion de ce règne de paix et d’amour. Nous sommes convaincus que le Christ, qui prend soin de sa Création et de celles et ceux qui souffrent, nous précède dans nos engagements pour la justice écologique et sociale.
Nous croyons que la transformation du monde s’opère également et nécessairement par la contemplation et la prière
Nous croyons que la relation gratuite à Dieu est une dimension de l’accomplissement de tout être humain. Nous pensons que la crise écologique est également une crise spirituelle, et qu’un nombre croissant de personnes ne trouve plus de sens dans les discours productivistes et consuméristes. La relation à Dieu ouvre l’être humain à sa réalité la plus profonde, être relationnel et incarné.
Nous croyons également que le mal contre lequel nous nous battons n’est pas seulement extérieur à nous, mais que nous sommes traversés par celui-ci. Les désirs de puissance, de domination et de possession qui fragilisent nos sociétés nous habitent aussi. En effet, les structures de péché “sont édifiées et consolidées par de nombreux actes concrets d’égoïsme humain.”5 Nous substituons à la relation d’amour à Dieu, à nous-même, aux autres et à la Création des idoles tels que l’argent, le pouvoir, l’efficacité, etc. Nous croyons que nous pouvons restaurer ces relations d’amour dans la réconciliation. Le pardon et la miséricorde sont ainsi au service de nos luttes. Nous ne nous laissons pas guider par la haine et la rancœur, et c’est par amour que nous nous engageons. Nous désirons nous réconcilier entre nous, mais également avec nos adversaires politiques. Si nous dénonçons radicalement les choix et les actions de certaines structures et êtres humains, nous souhaitons séparer les personnes de leurs actes.
Nous croyons que les changements s’effectueront collectivement. Nous souhaitons vivre à notre échelle la fraternité que nous désirons voir grandir dans nos sociétés. Nous entretenons des liens fraternels gratuits, pour nous enrichir mutuellement et nous ressourcer. Par la prière, nous portons spirituellement tous les collectifs et toutes les personnes qui œuvrent sur les sujets écologiques et sociaux.
Si l’urgence écologique nous oblige à nous mobiliser sans attendre, nous remettons chacun de nos engagements dans les mains du Père. Nous croyons que les fruits de nos actions ne nous appartiennent pas et nous cherchons un certain détachement de leur réussite ou échec éventuel. Nous croyons que cet abandon à Dieu est source de joie et d’espérance. Loin de nous limiter, cette espérance nous permet de durer dans la lutte et d’y trouver des motivations particulières.
Qui nous sommes
Lutte & Contemplation est un collectif qui soutient et porte une parole chrétienne dans les luttes écologiques et sociales de notre temps.
Le collectif est un espace de rencontre, de fraternité et de prière pour ses membres. En rassemblant des personnes autour du Christ et dans la lutte pour la justice, il donne le goût de l’action collective, et offre des lieux de prière pour le monde et ses artisans de paix.
Le collectif est un espace de mobilisation. Ses membres mènent des campagnes de plaidoyer auprès de personnes exerçant des responsabilités économiques, politiques et ecclésiales pour accélérer la transformation des institutions. Le collectif développe également un militantisme chrétien, en rejoignant certaines mobilisations ou en proposant des actions de terrain créatives, joyeuses et non-violentes.
Mission
Lutte & contemplation est un collectif chrétien qui œuvre pour la transformation des institutions et des personnes vers un monde plus juste et sobre. Nous interpellons les responsables de la société civile et de nos Églises par des modes d’actions variés, et nous animons une vie fraternelle et spirituelle pour nous réconcilier dans la prière avec Dieu, sa Création et les autres, et pour œuvrer à notre conversion personnelle.